21 juillet 2016

Epilogue


Trois mois sont passés depuis notre retour sur la terre ferme ! Le temps s'est écoulé à toute vitesse et notre aventure sur l'eau nous semble déjà irréelle.
La reprise de notre vie normale a été assez difficile. Le fait d'être séparé des filles a été la plus grande épreuve, nous qui avions passé cinq mois "collés-serrés". Pour le reste, tout a repris son cours naturellement : la famille, les amis, l'hôpital, notre appartement à Vincennes. Enfin presque tout, puisque nous avons accueilli notre bébé créole le 22 juin, Arthur. Il est en parfaite santé et a tiré ses premiers bords en Bretagne Nord à moins de deux semaines de vie !

La relève est assurée !



13 avril 2016

Le bilan




De retour en Martinique, la boucle est bouclée ! C’est l’heure du bilan, à première vue quelque chose de pénible car cela signifie la fin de notre voyage de rêve, du voyage d’une vie. Finalement cet exercice n’est pas désagréable, bien au contraire ; le voyage est passé vite mais en regardant dans notre sillage, on se rend compte de la route accomplie. Un certain nombre de questions se dressaient en effet devant nous avant le départ. Souvent notre entourage nous les posait ; et même si nous n’étions pas sûrs de nous, nous répondions toujours avec aplomb. Le fait de parler de notre projet nous interdisait aussi de revenir sur notre décision de partir, une parole est une parole. Les principales questions étaient les suivantes : Allions-nous vraiment partir ? Le moment était-il bien choisi au cours de notre vie/carrière ? La zone de navigation des Antilles était-elle adaptée ? Le jeune âge des filles allait-il poser problème ? Ce voyage était-il compatible avec une grossesse ? Malgré la menace du Zika ? Allions-nous savoir gérer le bateau en toute sécurité ? Les réponses à ces questions paraissent aujourd’hui évidentes. Ce qui est probablement bon signe.
Partir or not 
Organiser un voyage de plusieurs mois pendant une carrière n’a rien de facile ! Jusqu’au bout nous avons failli abandonner notre projet. Il n’est pas évident de dire à des patrons qu’on ne peut pas prendre un poste car on va se la couler douce pendant 6 mois aux Antilles. On peut être étiqueté de « tire au flanc ».  S’ajoute à cela dans nos métiers très techniques, la crainte de revenir en ayant perdu le niveau atteint avant le départ. Au final, ce projet ne nous porte pas préjudice et plutôt attise la curiosité des gens. On m’a souvent fait la réflexion : « C’est/c’était mon rêve et je n’ai pas eu l’occasion/le courage de le faire ». Finalement nous avons appris beaucoup de choses sur nous-même pendant ces quelques mois sur la mer. Appris à gérer des situations dangereuses, prendre des décisions rapidement et
sans hésiter, anticiper les problèmes et surtout prendre le recul, tout ceci étant des bonus pour notre carrière future.
West Indies 
La zone de navigation pouvait sembler restreinte ou ne faisant pas « rêver », nous qui rêvions de traversées transocéaniques et de passage de caps ! La grossesse de Marie et les enfants ont calmé nos ardeurs en se limitant à la mer des Caraïbes. Les a priori sont vraiment nos ennemis, car cet arc antillais est un véritable joyau, idéal à la navigation en voilier. Plusieurs navigateurs nous l’ont confirmé. Ce plan d’eau combine bonnes conditions de vent, proximité des îles, qualité des mouillages, chaleur de l’eau… Chaque île est distante d’une vingtaine de mille en général ce qui permet de changer facilement d’ambiance car elles ont toutes leurs spécificités géologique et culturelle. Malgré certaines destinations assez touristiques, on a toujours pu trouver des coins préservés. La navigation était parfois musclée, surtout dans les canaux qui séparent ces îles, créant un effet venturi entre l’Atlantique et la mer des Caraïbes, sans jamais être dangereuse (on n’a pas rencontré de vent supérieur à force 7). Pour le programme de nav, le catamaran a été une super découverte, nous qui jurions seulement par le monocoque ! Le fait de ne pas gîter permettait toujours aux filles de se déplacer facilement. Nous avions également une place énorme à disposition, puisque nous occupions un seul des deux flotteurs. Cela nous a permis d’être à l’aise et d’accueillir les invités dans des conditions idéales. Au niveau comportement, ce bateau était très marin avec des performances appréciables.
Les nouches 
La vitesse d’adaptation des filles à leur nouvel environnement nous a vraiment impressionnés. Dès le premier jour, leur nouvelle maison était adoptée ! Nous avons vite privilégié les navigations pendant leur sommeil (sieste ou nuit), elles se réveillaient comme des charmes ! C’est vrai que les navigations n’ont pas beaucoup d’intérêt pour elles. Et nous pouvions savourer pleinement les nav sans devoir assouvir leurs souhaits dans la minute, ce qui n’est pas toujours évident quand les conditions de mer sont difficiles. Nous avons surtout pris conscience de la chance de passer 100% de notre temps avec elles, une chance qui ne se reproduira sans doute jamais pendant une si longue période. On a pu apprécier leurs progrès au jour le jour, en même temps que les caprices et autres colères qui vont avec mais ce qui est tellement normal. C’est assez bluffant de voir comment les filles ont favorisé le lien social avec les locaux et les autres voileux. La vision de deux têtes blondes donnait souvent l’occasion d’engager la conversation : « are they twins ?» et la sympathie. Elles se retrouvaient donc souvent à manger des kilos de bananes offerts dans les marchés ou à faire des baisers aux boyboats.
Grossesse et voile 
La grossesse de Marie est une grande joie. On était serein pour partir. Cependant, les premières navigations étaient rendues difficiles par les nausées qui se surajoutaient au mal de mer. Problème qu’elle n’avait jamais rencontré auparavant ! Malgré quelques navigations difficiles, surtout la traversée jusqu’en République Dominicaine, le voyage a été une occasion rêvée de repos et de no stress pour cette grossesse qui se passe sans encombre. Le suivi a été réalisé sur les différentes îles françaises (Saint Martin, Martinique) avec un protocole antillais un peu différent de nos habitudes parisiennes. Mais cela nous a plu de démédicaliser un peu cette aventure. Pas de problème de Zika à signaler a priori, il y a très peu de moustiques aux Antilles et en particulier sur un bateau au mouillage. Sur place, on entend très peu parler du problème et ça semble plus préoccupant vu de métropole ! Finalement la plus grande difficulté a été pour nous l’alimentation lors des séjours aux Grenadines puis aux Vierges. Il était difficile de trouver des produits frais bon marché et des protéines. On s’est bien rattrapé sur les autres iles et cela nous a donné l’occasion de devenir des maitres laitiers, boulangers, pêcheurs….
Devenir skipper 
Je ne vais pas vous cacher que nous avions un peu la pression lorsque nous sommes arrivés au Marin et que nous avons découvert le mastodonte que nous allions louer pendant 5 mois (12 mètres de long pour 6m50 de large). Certes Marie est monitrice de voile avec une expérience de régate en 420 et je suis habitué à naviguer en croiseur, mais c’était pour nous une grande première d’avoir notre catamaran à nous ! Lors de la prise en main avec Paul (notre loueur) nous avions l’impression de passer un véritable examen ! Au final, on a été validé et tout s’est bien passé par la suite. Toujours en sécurité (gilets de sauvetage en permanence, attachés à la ligne de vie quand le vent est au-dessus de 20 nds ou la nuit, voilure réduite dès 20 nds, etc…). Avec l’expérience, les rencontres avec d’autres voiliers, les automatismes sont venus, et nous avons appris à devenir des skippers antillais. Nous avions un suivi attentif à terre par Henri et Stéphane qui nous envoyaient fréquemment des SMS iridium pour des points météo et autre. En tant que couple, la navigation a permis de grands moments de plaisir mais aussi (et je crois que c’est normal) l’occasion de crispations et parfois de cris. Mais finalement avec l’expérience et surtout quand les moteurs ont été réparés, tout s’est simplifié et coule de source aujourd’hui.
Partage 
Ce voyage n’a pas été qu’une aventure de notre cocon familial, nous avons eu l’occasion d’accueillir des amis et de la famille à bord. Les marins anglosaxons disent que le calendrier est l’ennemi du marin, car il conduit à prendre la mer lorsque les conditions météo ne sont pas favorables. C’est vrai, le fait de devoir retrouver les différents invités nous a amené à parfois nous presser. Mais globalement tout s’est bien goupillé ! Nous avions prévu des marges de sécurité et avons pu naviguer quand les conditions étaient bonnes. Les retrouvailles étaient toujours émouvantes, avec, au cours du séjour des invités, une ambiance festive. Notre voyage a été l’occasion de rencontrer d’autres familles navigantes et de partager nos coups de cœur et difficultés. C’est assez amusant de constater la similitude de nos impressions et de partager les joies et difficultés de la vie sur un voilier. Chose qu’on ne peut pas faire avec des métropolitains ! Il serait malvenu de se plaindre des réveils répétés la nuit pour fermer les hublots en cas de grain…

En plus d’une aventure formidable, ce voyage a été aussi l’occasion d’une pause dans notre vie. Après un internat difficile, une vie parisienne qui défile à 100 à l’heure, avec des réseaux sociaux omniprésents, avec les attentats et les catastrophes humanitaires…. Nous avons pu prendre du recul et redéfinir nos objectifs de vie, les choses de valeur. Nous avons progressivement enlevé notre carapace de citadin pressé, blessé et sur la défensive. Ce qui nous a permis d’avoir une réflexion plus libre. Nous nous sommes rendu compte que la qualité des rapports humains primait à nos yeux. Dans notre vie privée, choyer nos amis et notre famille. Dans notre métier, qui est pour nous le plus beau du monde, prendre du recul sur la technique qui est souvent prépondérante en chirurgie et en coronarographie et qui risque de prendre le pas sur le rapport humain avec les patients.
Au final, ce voyage a été très positif et nous avons hâte de retrouver nos familles et amis. Et surtout d’accueillir notre bébé créole au mois de juin, élevé aux accras !

PE


Le Diamant et la lune

9 avril 2016

Du 3 au 8 avril, Dominica ou Zion




 Après une super nav au près à 8 nds dans le canal entre les Saintes et la Dominique avec peu de mer, on atteint notre dernière île avant la Martinique, dernier pays, la Dominique ! On atterrit à Prince Ruppert Bay, au fond de laquelle on trouve la ville de Portsmouth. On est accueilli par des boyboats très sympas et très chaleureux. Ils nous renseignent pour les formalités de douane et les différentes visites de l’île. Ils se chargent même de laver notre linge, vrai luxe !


Lundi, nous embarquons à bord de la barque de James Bond (c’est ainsi que se fait nommer notre guide !), pour une ballade sur la Rivière Indienne, rivière appartenant au Parc naturel, très bien préservée, avec de la mangrove et des vestiges des décors de Pirates des Caraïbes. Il nous conduit jusqu’au Bush bar où des rastas servent un punch maison « Dynamite »… Ils offrent aux filles des oiseaux et sauterelles tissés en feuilles montés sur des fleurs d’hibiscus.









Au retour, en passant en barque sous un arbre, on aperçoit un énorme boa constrictor qui semble dormir juste au-dessus de nos têtes. C’est bien sûr à ce moment-là que Raphaëlle hurle que sa sœur vient de lui écraser le pied… Frayeur !


Mardi, nous partons visiter une partie de l’île en voiture. Nous commençons par aller rendre visite aux Indiens Kalinago, qui sont 3000 à vivre sur la Dominique, dans un territoire relativement indépendant. On visite un « village modèle » et surtout on apprend plein de choses sur la vie dans la forêt grâce à notre guide qui nous montre comment pêcher des écrevisses avec de la noix de coco ou se faire des tatouages avec des fougères (toujours utile). On a adoré !









L’après-midi, on profite des cascades d’Emerald Pool et Jack Waterfalls où on est tout seul au milieu de la forêt vierge. C’est fou ! On se baigne tous les quatre dans une eau bien plus froide que la mer des Caraïbes jusqu’au moment où Raphaëlle crie qu’elle vient de marcher sur un oursin… En fait il s’agissait d’une châtaigne au fond de l’eau mais c’était l’aventure…








Mercredi, on rencontre nos voisins de voilier, Friday, Anne-bé et leur petit David qui vivent en Dominique en partie sur leur bateau. On leur confie notre stock d’antibio, kit de sutures et bande de résines inutilisés pour qu’ils les distribuent en fonction des besoins. On passe un bon moment chez Sandy’s, un beach bar où se côtoient rasta et plaisanciers en bonne entente, sans rapport commerciaux ni « locaux/touristes ». On rencontre une vielle française qui dispute une partie de dominos endiablée avec un rasta comme s’ils étaient de vieux amis. On ne pensait pas qu’un tel lieu était possible. Décidément on est vraiment charmés par cette île magnifique et humaine.



Seul regret : les randos ont l’air superbe, à flanc de volcans, dans la forêt tropicale… On reviendra !
On rejoint dans l’après-midi Roseau, la capitale que l’on parcourt à pied à la tombée de la nuit. Là encore, pas de touriste. Les habitants nous saluent dans la rue, ont un petit mot gentil pour les filles…C’est tellement agréable.

"2 ans et trois ans"

Jeudi, on profite du marché haut en couleurs de Roseau puis on file tout au sud de l’île à Soufriere Bay devant le charmant village de pêcheur de Scotts Head. En arrivant dans la baie, on est rejoint à la nage depuis la rive par un homme qui vient pour nous aider à nous amarrer en mode mouillage sur ancre et amarre « cocotier » frappée à terre parce que les fonds sont très profonds. Il nous explique aussi que le mouillage sur ancre est interdit mais que ce n’est pas grave, on aura juste une petite « discussion » avec les policiers… On préfère ne pas mouiller dans une réserve naturelle où c’est interdit, par 28 m de fond, avec 30 nds de vent de travers par rapport à la plage et avec un gros ressac. Notre ami repart à la nage avec deux bouteilles de 1664 bien méritées. De notre côté, on mouille sur bouée devant « Champagne Reef » pour un superbe snorkeling sur un tombant. Parfois, de petites bulles de gaz s’échappent du reef d’où le nom mais on n’en a pas vu. Par contre, on a vu une belle langouste et un couple de grosses tortues luth.










Le soir, dernière nav de nuit pour rejoindre la Martinique… Dernier canal aussi, avec de supers conditions, 20 nds d’est au travers, houle d’1.5m, on file à 8 nœuds malgré les deux ris dans la GV qu’on a pris pour ne pas arriver avant le jour en Martinique. Pas de lune, juste les étoiles et la voie lactée. Vers 23h, en doublant le Prêcheur en Martinique, on est accueilli par un banc de dauphins qui vient jouer dans l’étrave. D’abord, on ne les voit pas, on les entend juste, on les cherche, puis on les aperçoit grâce au plancton fluorescent qui moule leur silhouette ! C’est magique !!
On ralentit encore dans la rade de Fort de France et au petit jour, on se dirige vers l’anse Noire, de nouveau accompagnés par des dauphins. On vient de finir la boucle, retour à Fort de France…
Dans moins d’une semaine, il faudra rendre le bateau alors on s’octroie quelques jours de repos en Martinique, histoire de profiter jusqu’au bout de ce voyage de rêve !


























Du 29 mars au 3 avril : Les Saintes ou la douceur de vivre

On mouille d’abord quelques jours devant le bourg de Terre De Haut, sur bouée. On en profite pour sillonner dans l’île à pied. On visite entre autres le fort Napoléon à partir duquel on a une magnifique vue sur la baie. Ce fort est très bien conservé puisqu’il a été terminé 30 ans après la fin des conflits franco-anglais dans les Caraïbes, les pierres venant du Havre en bateau… On y voit des iguanes en liberté dans le jardin botanique.




 Le fait de rester plusieurs jours nous permet de prendre notre temps, on passe même un long moment à la bibliothèque municipale où les filles se régalent des histoires racontées par la bibliothécaire. On flâne dans les ruelles où les vieux Saintois nous saluent du pas de leur porte.








La vie ici semble facile, en tout cas pour nous : avitaillement, toboggans, plage au même endroit ! Ce qui est d’autant plus pratique qu’on n’a toujours pas réussi à faire réparer notre moteur d’annexe et que donc nos trajets à terre sont compliqués. En effet le vent souffle toujours fort dans la baie et à notre premier essai pour rejoindre le rivage, on doit faire demi-tour parce qu’on n’étale pas le vent avec notre annexe gonflable et nos rames en plastique qui se plient en deux sous la pression de nos gros muscles ! Heureusement un Allemand très sympa nous remorque et vient même nous chercher au retour. Les jours d’après, on utilise exclusivement le kayak qui est bien plus sûr !



On trouve finalement LE mécano nautique de l’île, Jean-Marc, mécanologue d’après le journal local, qui, en plus d’une grande gentillesse, répare les 2 pannes du moteur en moins de 24h et nous offre une douzaine d’œufs de ses poules.

On part mouiller ensuite deux jours à un mille de là, sous le vent du Pain de Sucre, dans un aquarium de coraux et poissons multicolores.